La règle du précédent
Définition & Exemple
I) Définition
La règle du précédent (en anglais : precedent), aussi appelée stare decisis, est le principe juridique caractéristique des pays dits de « common law ». Selon ce principe, les arrêts rendus par des juridictions antérieures et supérieures fondent des règles juridiques qui s’imposent aux décisions postérieures, d’où le nom de précédent, car la règle qui précède s’impose. Cette règle est connexe à la notion de droit prétorien mais n’est pas pour autant transposable au droit administratif, lui aussi caractérisé de prétorien car contrairement à ce dernier, le revirement de jurisprudence est bien plus encadré dans les pays de common law.
Ainsi, ce principe pose l’importance de la jurisprudence dans le droit positif des pays de common law, qui possède alors la même importance que la loi écrite émise par les organes législatifs (statutory law). Cette règle se justifie par le principe de sécurité juridique : selon ce dernier, le droit doit être stable et connu de tous, imposant dès lors le respect des jurisprudences antérieures et non des revirements à tout va qui peuvent, selon la doctrine, être sources d’insécurité juridique.
La règle du précédent ne s’applique toutefois que sous la réunion de conditions particulières :
- La jurisprudence doit être antérieure et constante, c’est-à-dire exprimée à travers plusieurs décisions ;
- Elle doit avoir été prononcée par une cour supérieure : les cours en bas de la hiérarchie juridictionnelle n’ont aucun pouvoir en matière de création de « precedent ».
Les arrêts rendus par la Chambre des Lords et la Cour suprême du Royaume-Uni doivent absolument être suivis (biding effect) par les juridictions inférieures. De même, les juridictions appartenant à la hiérarchie de la Cour d’appel et de la Haute Cour de Justice qui leurs sont inférieures doivent suivre leurs décisions, même si pour cette dernière il est admis qu’elles ne puissent avoir qu’un simple effet « persuasif ».
La doctrine internationale s’écharpe régulièrement autour de la pertinence et de l’efficacité de ce même principe, qui est finalement la signature du système de common law :
- L’argument majeur en faveur de cette règle est celui de la sécurité juridique, qui est précisément la raison d’être de ce même principe. En raréfiant au possible les revirements de jurisprudences, le corps de règles se stabilise et les judiciables peuvent davantage s’y fier.
- Mais d’un autre côté, la volonté de pérenniser les décisions antérieures rend la remise en question difficile : certains arrêts deviennent archaïques au vu des évolutions sociétales et maintiennent alors des règles indésirées. Dès lors, cela pose la question du contournement d’un précédent instauré.
Est-ce possible de contourner un précédent ?
Afin d’éviter d’avoir à suivre un précédent, le juge peut invoquer le fait que le contexte est différent. Un précédent peut également être remis en question par une cour supérieure, voire identique bien que cela soit plus rare : cela doit se justifier par des évolutions juridiques ou sociétales entre-temps, qui désuétisent la décision. Toutefois, certaines décisions ont acquis avec le temps une telle force qu’elles sont considérées comme impossibles à revirer : il a notamment été reproché à la jurisprudence Planned Parenthood v. Casey de 1992 d’être protégée par un « super-stare decisis ». Depuis, ce terme ou celui de « super precedent » est utilisé afin de critiquer des décisions massivement plébiscitées à la fois par la doctrine mais aussi le peuple et qui ont acquis une sorte de pérennité immuable, comme la très célèbre jurisprudence Roe v. Wade de 1973.
II) Exemple
Cette notion ne manque pas d’exemples, tout simplement parce qu’elle est de principe dans un pays de common law. Toutefois, certaines décisions sont particulièrement marquantes, soit car elles illustrent l’étendue de cette notion, soit car ce qu’elles consacrent est aujourd’hui quasiment impossible à remettre en question (super-stare decisis).
Le célèbre arrêt Brown v. Board of Education de 1954 illustre l’influence normative de la règle du précédent : il est notamment à l’origine des lois postérieures qui mettront un terme à la ségrégation américaine de l’époque. Ainsi, la portée de la règle du précédent dépasse le simple cadre jurisprudentiel.
L’affaire Texas v. Johnson de 1989 est un autre arrêt célèbre consacrant le droit de brûler le drapeau américain au nom de la liberté d’expression, désacralisant ainsi un emblème auparavant intouchable.
L’arrêt Employment Division, Department of Human Resources of Oregon v. Smith de 1990 touche au principe de laïcité en affirmant que l’État peut légitimement refuser d’allouer des aides à une personne congédiée car ayant violé la loi de son État de résidence, quand bien même elle justifierait cela par des raisons religieuses. En l’espèce, le concerné avait consommé du peyotl, une espèce de cactus aux propriétés psychotropes et hallucinogènes lors d’un rituel religieux, cela sur son lieu de travail.