La Théorie de la causalité adéquate
Définition & Exemple
I) Définition
La théorie de la causalité adéquate désigne une méthode particulière afin de caractériser ou non l’existence d’un dommage. Celle-ci considère que lorsque de multiples causes peuvent être à l’origine d’un dommage, il est nécessaire de les hiérarchiser afin de déterminer laquelle est décisive, et de ne retenir qu’elle. Elle se différencie de sa « rivale », la théorie de l’équivalence des conditions, car elle revient à rechercher l’unique cause de la survenance d’un dommage, d’où son nom.
Dès lors, le juge va devoir effectuer un travail de discernement complexe afin de déterminer quelle est la cause ayant joué de façon décisive dans la survenance du dommage, en fonction de ce qui est normalement prévisible. Cette théorie revient donc à étudier le degré d’implication de chaque fait générateur ayant contribué, peu ou prou, à la survenance du préjudice.
Dès lors, celle-ci peut être sujette à de diverses critiques :
- Déterminer le fait générateur en fonction de ce qui est « normalement prévisible » relève davantage de l’arbitraire que du droit pur ;
- Celle-ci vient également écarter la responsabilité, bien que moindre, d’autres acteurs ayant joué un rôle dans la survenance du dommage ;
- De façon corolaire, la responsabilité va pleinement peser sur un seul des multiples acteurs ayant possiblement joué un rôle dans la survenance du dommage, au motif qu’il est celui à l’origine du fait générateur majeur.
Toutefois, elle présente également des avantages certains en comparaison de la théorie de l’équivalence des conditions :
II) Exemple
- La théorie de la causalité adéquate, contrairement à sa théorie opposée, se focalise sur un fait générateur précis et non plusieurs, évitant ainsi un risque de surdétermination causale ;
- Tout l’intérêt de cette théorie se situe dans la détermination d’un unique fait générateur décisif, et assure ainsi de faire peser la responsabilité de façon pertinente, c’est-à-dire envers un acteur ayant joué un rôle majeur et non accessoire.
La Cour de cassation a eu l’occasion d’utiliser la théorie de la causalité adéquate dans un arrêt de la 2e chambre civile, en date du 5 mars 2020. En l’espèce, un policier avait poursuivi un cyclomoteur ne s’étant pas arrêté à un feu rouge et avait chuté durant la poursuite, à la suite de quoi il se blessa. Il réclame alors des réparations pour le préjudice subi, à savoir les blessures occasionnées par la chute.
Lors de son pourvoi en cassation, il se base sur la théorie de l’équivalence des conditions afin d’affirmer que le refus d’obtempérer du motard constitue l’un des faits générateurs de son préjudice, en réponse à la cour d’appel qui avait affirmé qu’il ne pouvait « être légitimement soutenu que le conducteur du scooter a occasionné des blessures à M. X… par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou l’a délibérément exposé à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer et ce dans la mesure où les violations qu’il a commises au code de la route et le refus d’obtempérer ne sont pas en lien direct et certain avec ces blessures qui sont la seule conséquence de la chute purement accidentelle de M. X… qui reconnaît d’ailleurs avoir glissé avant de tomber ».
Ainsi, le refus d’obtempérer constitue, selon la victime, une cause du préjudice en le sens que sans ce même refus, la chute n’aurait jamais eu lieu. En parallèle, il affirme que même selon la théorie de la causalité adéquate, la responsabilité majeure revient au refus d’obtempérer du cyclomoteur, qui est finalement à l’origine de « la cause de la cause », c’est-à-dire la chute à l’origine des blessures.
La Cour de cassation a alors utilisé la théorie de la causalité adéquate, mais avec une conclusion différente : le fait adéquat est la chute du policier, cause directe de la survenance des blessures, et non le refus d’obtempérer du cyclomoteur. En effet, il n’est pas insensé de penser que si le policier avait eu une meilleure maitrise de son véhicule, la course poursuite née du refus d’obtempérer n’aurait jamais mené à une chute.
En choisissant cette théorie, elle s’épargne alors de prendre en compte une multitude de facteurs ayant joué des rôles bien plus minimes dans la survenance du dommage que le fait majeur, qui est celui qui a concrètement mené au préjudice, à savoir la chute du policier.
Si elle avait utilisé la théorie de l’équivalence des conditions, la responsabilité aurait dès lors pesé également sur le cyclomoteur, malgré le fait qu’il ne soit pas la cause directe du préjudice.