La Théorie de l'empreinte continue du mal
Définition & Exemple
I) Définition
La théorie de l’empreinte continue du mal est une théorie doctrinale utilisée en responsabilité civile afin de déterminer si un fait défectueux causant un dommage peut être retenu ou non comme la cause de ce même dommage. Elle est notamment utilisée afin de déterminer la responsabilité ou non d’un producteur dont l’un des produits présente un défaut manifeste qui vient à causer, précisément en raison de sa nature défectueuse, un préjudice à un usager.
Selon cette théorie, le caractère défectueux doit répondre à deux conditions cumulatives afin d’être retenu comme la cause du préjudice :
- D’un côté, caractère défectueux en lui-même doit être une condition sine qua none de la survenance du préjudice, de telle sorte que si le produit n’avait pas été défectueux, le préjudice n’aurait pas eu lieu ;
- De l’autre côté, sa défectuosité doit expliquer le préjudice, c’est-à-dire que la nature de la défectuosité peut, de façon rationnelle, permettre de comprendre comment et pourquoi le dommage a eu lieu. Pour s’assurer que cette condition soit bien remplie, il suffit de se demander « Pourquoi X a subi ce préjudice ? », et si la réponse est bien le caractère défectueux, la condition est remplie. Le fait défectueux ne peut justifier des préjudices qui n’ont rien à voir : une machine à café qui a surchauffé ne peut expliquer pourquoi son usager s’est coupé le doigt en l’utilisant, par exemple.
Cette théorie provient du livre Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français du Professeur Noël Dejean de la Bâtie, ancien professeur de droit privé à Pierre-Mendès-France.
II) Exemple
La jurisprudence a su se montrer critique face à l’utilisation de cette théorie, en rappelant dans un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse en date du 15 juillet 2021 que l’ensemble des évènements doit être pris en compte en amont, afin d’identifier correctement une succession de faits défectueux. Elle avança cela en réponse à une affirmation selon laquelle la crue entraine une forte pression sur un barrage à débordement, ce qui n’est pas le cas. Selon elle, le tribunal aurait dû collecter l’ensemble des évènements afin de pouvoir remonter, de faits défectueux en faits défectueux, à l’origine du dommage.
De plus, cette théorie se heurte au principe de diligence : selon un arrêt la Cour de cassation en date de 1979, le défaut d’étiquette alertant du danger que constituait une bouteille d’acide ne peut être retenu comme la cause de la cécité d’un employé, dès lors que ce préjudice a été causé par la chute de ce dernier sur cette bouteille d’acide – aucun rapport avec le défaut d’étiquette, donc.