La Théorie de l'équivalence des conditions
Définition & Exemple
I) Définition
La théorie de l’équivalence des conditions consiste en le fait que pour un préjudice donné, tous les faits en amont ayant joué un rôle dans sa survenance doivent être considérés comme des faits générateurs, et les responsabilités de leurs auteurs engagées. Ainsi, aucune distinction d’ordre de gravité n’est effectuée : dès lors qu’un acte, aussi minime et subsidiaire quant à la survenance du préjudice soit-il, a joué un rôle, son auteur est automatiquement en partie responsable, même si l’acte est finalement assez éloigné du préjudice en lui-même. Il suffit de répondre de façon positive à la question « Sans ce fait, le dommage se serait-il produit ? » afin de considérer qu’un fait est une des causes du dommage.
Contrairement à la théorie de la causalité adéquate, où le juge doit effectuer un travail minutieux afin de déterminer le fait causal majeur, le juge doit ici collecter tous les potentiels faits générateurs afin de faire peser la responsabilité sur l’entièreté des auteurs. Cela procure plusieurs avantages :
- Elle favorise l’indemnisation des victimes, car le moindre rôle dans la survenance de son préjudice est retenu comme un fait générateur menant à la responsabilité ;
- Elle est définitivement plus simple à mettre en place que la théorie de la causalité adéquate car elle permet de rapidement trouver un responsable ce qui, dans l’intérêt de la victime, permet de diminuer la durée du litige.
Toutefois, sa simplicité d’exécution a ses travers :
- Si celle-ci augmente allègrement les probabilités que la victime soit réparée, c’est précisément parce qu’elle admet, sans doute trop facilement, la responsabilité de judiciables dont le rôle est parfois lointain ;
- De façon similaire, la responsabilité d’un auteur ayant joué un rôle minime sera placée au même niveau que celle de l’auteur d’un fait générateur plus prépondérant ce qui, du point de vue des accusés, n’est pas forcément très équitable. Cela peut donc mener à une surdétermination causale, c’est-à-dire à un excès du nombre de causes du préjudice.
II) Exemple
La Cour de cassation s’est essayée à cette théorie dans un arrêt de la 2e chambre civile, en date du 7 avril 2005. En l’espèce, la victime, effectuant ses courses dans un magasin, a été renversée par la chute d’une tête de gondole, à la suite de quoi elle fut hospitalisée afin d’administrer les soins nécessaires à la réparation de la fracture de l’une de ses vertèbres. Elle décéda quelques jours plus tard sur son lit d’hôpital.
L’exploitant du magasin et son assureur furent assignés par les enfants de la victime devant le tribunal en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices : or, la cour d’appel rejeta la demande des enfants de la victime au motif que la victime était atteinte de séquelles d’un cancer chronique d’origine tabagique et d’un alcoolisme chronique, et que « le décès de (la victime) était intervenu au cours d’une crise de delirium tremens, complication de l’alcoolisme chronique qui était connu dès l’entrée de la victime à l’hôpital, de même que son insuffisance respiratoire en raison de son atteinte par un cancer du poumon ; que l’expert a constaté que l’extrême agitation de (la victime) avait nécessité un traitement associant Equanil et Tranxene ; que ces deux médicaments en cas de surdosage entraînent l’un et l’autre une défaillance respiratoire et une insuffisance circulatoire ». Elle affirma également que ce même problème hépatique mena à une surcharge médicamenteuse entrainant une dépression respiratoire provoquant l’asphyxie du patient, selon un rapport d’expertise judiciaire.
Ainsi, selon la cour d’appel, le décès de la victime n’est finalement pas le fait de la chute de la tête de gondole mais plutôt d’une surcharge médicamenteuse occasionnée afin de calmer l’agitation de la victime durant son séjour à l’hôpital.
La Cour de cassation usa alors de la théorie de l’équivalence des conditions afin d’affirmer que bien que la cause directe du décès de la victime soit la surcharge des médicaments administrés à l’hôpital, son séjour en ce même lieu fut rendu nécessaire par la chute de la tête de gondole. Autrement dit, c’est cette dernière qui est « la cause de la cause », et bien qu’indirecte, elle doit être retenue au nom de la théorie de l’équivalence des conditions.
Ainsi, elle met au même plan la responsabilité indirecte de la chute de la tête de gondole et la responsabilité directe de la surcharge médicamenteuse, au motif que l’un est à l’origine de l’autre.
Si elle avait choisi la théorie de la causalité adéquate, seule la surcharge médicamenteuse, cause directe et majeure du préjudice de mort occasionné à la victime, aurait été retenue.
sources
Alain Bénabent, Droit des obligations, LGDJ, 2021
Corinne Renault-Brahinsky, L’essentiel du droit des obligations, Gualino, 2020
Aurelianbamde.com – Théorie de la causalité adéquate et de l’équivalence des conditions
Actu.dalloz-etudiant.fr – La cause toujours
Cours de droit.net – La théorie de la causalité adéquate et de l’équivalence des conditions