la théorie de la voie de fait

Définition & Exemple

I) Définition

La théorie de la voie de fait est une théorie jurisprudentielle en droit administratif, proche de la théorie de l’emprise irrégulière. Elle vise à sanctionner des atteintes si graves de l’administration qu’elle en perd le droit d’être jugée par le juge administratif, au profit du juge judiciaire. C’est précisément parce que son action dépasse le cadre du droit que la séparation entre les juridictions administratives et judiciaires ne s’effectue plus.
L’arrêt fondateur est la décision Action française du Tribunal des conflits, en date de 1935. En résumé, l’Action française, journal d’obédience monarchiste, a été saisi par le préfet de la Seine à la suite violentes manifestations. Le journal attaqua alors la décision en justice, et le Tribunal des conflits affirma qu’il y avait voie de fait : en saisissant un journal sans que ses attributions ne le lui permettent, le préfet avait outrepassé ses pouvoirs et avait bifurqué dans une voie de fait plutôt que de droit.

Finalement, la décision doit nécessairement soit porter gravement atteinte à une liberté individuelle, soit mener à l’extinction complète d’un droit de propriété. En effet, depuis l’arrêt Bergoend de 2013, l’action de l’administration doit mener à une extinction complète du droit de propriété et non une simple atteinte afin d’être considérée comme une voie de fait.
Jadis, la simple atteinte était suffisante, la jurisprudence Mlle Mohamed de 2001 décrivant auparavant la voie de fait comme une « atteinte grave à la propriété privée ou à une liberté fondamentale ».  

Sa nature complexe et la concurrence avec le référé liberté fondamentale, introduit par la loi du 30 juin 2000, raréfient progressivement l’application de cette théorie. La doctrine est en effet particulièrement sévère avec cette théorie singulière, René Chapus parlant de « folle du logis, présente là où on l’attend le moins, et perturbatrice au-delà de l’acceptable ».

II) Exemple

Selon l’arrêt Eucat de 1986, la restriction d’une liberté fondamentale, en l’occurrence celle de quitter le territoire, au motif que l’intéressé n’avait pas la capacité de payer ses impositions, constitue une voie de fait. Cela se justifie par la nature de la mesure : porter atteinte à une telle liberté ne peut se rattacher au pouvoir conféré à l’administration par les lois, et plus précisément au trésorier-payeur général du Bas-Rhin qui a formulé cette décision.

L’arrêt Préfet de police de Paris c/ Tribunal de grande instance de Paris de 1997 est un exemple d’exécution forcée qui n’est pas constitutive d’une voie de fait pour autant. En l’espèce, l’administration avait procédé, en vertu de l’ordonnance du 2 novembre 1945, à l’exécution forcée d’un refus d’entrée envers un étranger entré illégalement sur le territoire français.

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